Thibodaux commercial journal., April 13, 1910, French, Image 1

About Thibodaux commercial journal. (Thibodaux, Lafourche Parish, La.) 191?-1959

Image provided by: Louisiana State University; Baton Rouge, LA

                
LE JOUR
VOL. 7.
THIBODAUX, LNE. 13 AVRIL X910.
NO. zo.
FEUILLETON.
Hilda La Bo
hémienne
FAR
Xavier de Montepin
(Suite.)
"(Test donc vous, troupe sacrée,
Qui demandez le cœur des rois...
Aiusi, d'un vieux cerf aux abois
Ou donne aux cbieus la curée."
Eufiu le 12 septembre, le parle
ment, après une courte délibéra
tion, annulait le testament de
Louis XIV, et déclarait M. ie duc
d'Orléaus, régent de France, pour
administrer les affaires du royaume
peudaut la minorité du roi.
Philippe d Orléans doit jouer un
rôle d'une haute importance dans
le récit que nous commençons.
Quelques semaines après ces
grands événements, c'est à dire
daus lus premiers jours du mois
d'octobre, à l'heure où tout dor
mait dans Paris, excepté les
joueurs, les amoureux et les filous,
le passant attardé sur le pavé
boueux de la rue Saiut-Houoré, et
levaut les yeux vers le ciel, aurait
pu voir une lumière étrange briller
denière la feuêtre à petits cat«
reaux de l'une des mausardes d'une
haute inaisuu de suspecte appa
reuce.
Parfois cette lumière ne répan
dait qu*uue clarté pâle, à peine
perceptible et qui semblait près
de s'éteindre; puis tout à coup elle
grandissait rapidement, devenait
rouge, fulgurante, presque éblouis
•ante, et prenait des proportions
d'incendie, pour disparaître bien
tôt et renaître eucoce après des
intermittences d'une durée plus ou
moins longue.
Oes intermittences pouvaient à
la rigueur s'expliquer par l'action
d'un soufflet de forge tautôt oisif,
tantôt mis eu mouvement par une
inain vigoureuse; mais il semblait
peu vraisemblable d'admettre,
dans une mansarde d'un quartier
populeux, l'installation d'une forge
et de ses accessoires.
A côté de cette mansarde s'en
trouvait une autre, celle-ci large
uient ouverte. Daus sou cadre
«ombre, et sur.le fond faiblement
éclairé de l'intérieur,ou distinguait
vaguement uue forme bumaiue,
debout et immobile.
Pénétrous tfaus la maison aux
<£J5ux mansardes, gravissons les
oaarches d'un escalier fétide qui
u'avait pour rampe qu'une corde
glnante, arrêtons-nous à l'étage le
plus élevé, là où l'escalier finissait,
et où deax portes vermoulues se
jtrouvaieut en face l'une de l'autre.
L'une de ces portes va s'ouvrir
devant nous et nous permettre de
j franchir le seuil d'une ebambre
étroite et basse, à demi conquise
sur la toiture, et mal éclairée psr
une lampe de cuivre posée sur uue
petite table de sapin grossière
ment travaillée.
Quelques sièges de bois, et deux
lits, ou plutôt deux grabats, com»
posaient tout le mobilier de cette
cbauibre.
Sur l'uu des deux lits,une femme
âgée de quaraute à quarante cinq
aus, mais beaucoup plus vieille en
appareuce à cause des longues
mèches de cheveux déjà gris qui
ruisselaient autour de sou visage
cuivré, dormait d'un sommeil fié
vreux et agité. De brusques très
saillements secouaient par accès
60U maigre corps, et ses lèvres
murmuraient des paroles iniutelli
gibles. Oette femme se nommait
Gillouue.
La forme humaine debout auprès
de la fenêtre ouverte était celle
d'une jeune fille, les yeux fixés sur
le ciel éblouissant d'étoiles.
Cette jeune fille, cette eufaut
presque (elle paraissait avoir seize
ans à peine) s'absorba pendant
quelques miuutes encore daus la
contemplation muette et profonde
des asties iunomblables dout les
rayouuemeuts semblaient la fasci
uer, puis elle abaudonua brusque
ment l'embrasure devenue pour
elle une sorte d'observatoire, et
regagnant 1 intérieur de la cham
bre, sans toutefois refermer la
fenêtre, elle se dirigea vers la pe
tite table sur laquelle ctait placée
la lampe de cuivre.
A côté de cette lampe se voyait,
toutjouvert, nu gros volume à|
tranches rouges, solidement relié
en basane bruue et garni «le coins '
de cuivre vert-dégrisé. Des gia,
vuies sur bois, naïves de dessin et
d'exécution, repiésentant des fi
gures bizarres, en apparence in
compréhensibles, attiraient le re
gaid curieux Bar les pages du véliu
jauni.
Ue colume était uu traité d'as I
trologie, compilation savaute d'un
maître ès scieuces occultes, résu- j
I
maut les théories de Haîbod, Ma -
gimus, Origèue et Argol, au sujet j
du grauü ar l d iuUrroger l«™"-j
stellatious célestes, et «le dresser, ;
.
ll0
,
La jeune fille s'assit, leleva la
mèche de sa lampe pour la cou
traindreà fournir uue lumière un
selon les règles, un
nativité.
peu plus vive, plaça le livre sur
ses genoux, et, de même qu'on in
stant auparavant elle s'était ab
sorbée dans la contemplation des
astres radieux, elle s'abîma dans
la lecture, ou plutôt dans l'étude
du mystérieux et vénérable bou
quin.
L'étrange enfant qui, à une
heure si avaucée de |la nuit, se li
vrait à cette occupation tu moins
bizarre, était une de ces merveilles
éclatantes que la nature s'amuse
de tempsà autre à produire, saus
doute afin de donner uu irrécusable
démenti aux incrédules dout le
scepticisme affirme que la perfec
tion absolue n'est pas de ce monde.
Détaillé moyenne, mais admira
blement proportionnée, la jeuue
adepte des scieuces occultes offrait,
le type orieutal dans ce qu'il y a
de plus rare et de plus accompli.
De grauds yeux d'un bleu très
sombre et d'un éclat presque in
soutenable, éclairaient sou visage
sublime et d'une chaude pâleur,
semblable à celui de Balkis, l'é
blouissante reine de Saba, venant
offrir sas trésors et sou amour au
roi Salomon. Une chevelure so
yeuse, d uu noir velouté, se tordait
trois fois eu nattes épaisses autour
de sa tête patricieuue, et ne lais
sait voir que l'extrémité inférieure
de ses petites oreiiles uaerées.
Un vêtement de laine bruue,
étimé par un long usage niais d une
propreté irréprochable, dessinait
les contours à la fois aveltes et
arroudÎ8 d'uu buste sculpté en
pleiu marbre de Paros.
Des gmains effilées, (véritables
mains de grande da me, aux doigts
frêles et aux ongles roses], teruii
uaient les bras encore uu peu
grêles, mais d'uue irréprochable
pureté de forme.
Nous aurons achevé le portrait,
ou plutôt, le rapide croquis de
cette divine créature, qui se nom
mait Hilda, quand nous aurous dit
que tout eu elle était aussi oatlait
que le visage. — Ses moiudns
mouvements récria eut une grâce
de chatte et de couleuvre —E i« j
c |, armer irrésistiblement 1
dès le premier Jiegard, quoiqu'il y
eût quelque chose de presque ef
fiayautdans l'éclat métallique de
ses pruuelles, étincelaut sons longs
cils recourbés, et je ne sais quoi de
dur daus l'expression «le sou sou
rire, quand ses levres ronges
comme du sang s'écartaient a
demi pour dévoilier s« 8 dents «le
I î eane ch,en *
La merveilleuse créature, appu j
yant sa tête fiüesur uue «le ses!
j mains,lisait et relisait sans reiâebe
I les deux pages qu'eiles u avait un
j ugtant quittées que pour aller on- j
j templer le ciel. Evidemment ellej
forçait son intelligence à compieu%
dre lesforma , es ol>BI!llm> ,!„ livre!
; cabalistique. — Par moments laj
lieue pure de ses sourcils se coi »
tractait, un pli se creusait sur son
front, ses dents mordaient sa ièvre
inférieure, nuis cette contraction
, •
passagère disparaissait et le vi
sa g 0 n'exprimait plus qu uue tnédi
tation profonde. Lest que la lec
trice venait, à force de teusion
d'esprit, de résoudre quelque dif
ficulté, insurmontable dans le pre
mier moment.
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